Les effets des oxalates sur la santé

Publié le 14 octobre 2025 • Aucun commentaire

Après avoir présenté les aliments riches en oxalates et les facteurs pouvant modifier l’assimilation dans un précédent article, je vous propose de dresser ici les différents effets possibles des oxalates sur la santé, depuis les conséquences bien établies jusqu’aux hypothèses actuellement mises en évidence.

1. Les effets validés des oxalates

Les calculs rénaux d'oxalate de calcium

La formation de calculs d’oxalate de calcium représente la manifestation clinique la mieux documentée en lien avec les oxalates¹⁹,⁴². Les symptômes cliniques possibles sont la colique néphrétique (douleur intense du flanc ou du dos irradiant vers l’aine), l’hématurie (présence de sang dans les urines), la dysurie (difficulté ou une douleur lors de la miction) et les infections urinaires récurrentes.

La prévalence mondiale des calculs rénaux en Amérique du Nord est d’environ 7 à 13 %, de 5 à 9 % en Europe et de 1 à 5 % en Asie¹⁸. Cela signifie donc qu’environ 87 à 95 % des personnes ne développeront pas de calcul rénal au cours de leur vie.

La composition des calculs rénaux concerne par ailleurs essentiellement les oxalates de calcium, représentant environ 70-80 % de tous les calculs. L’apport alimentaire en oxalates constituerait un facteur parmi d’autres, parfois moins déterminant que l’hydratation ou le calcium¹⁹,²⁰.

Concernant les risques de récidives, sans mesures préventives, ils sont estimés à 35-50 % à 5 ans et à 60-70 % à 20 ans. Avec des mesures préventives appropriées, la réduction possible est de 50 à 85 % selon les études.

Insuffisance rénale chronique

Une relation complexe et bidirectionnelle existe entre les oxalates et l’insuffisance rénale chronique (IRC)⁴³,⁴⁴ :

  • Des oxalates vers l’IRC. Les calculs récurrents peuvent endommager progressivement le parenchyme rénal. Une étude portant sur 3 123 participants atteints d’IRC légère à modérée a révélé qu’une excrétion urinaire d’oxalate plus élevée était associée à un risque accru de 32 % de progression de l’IRC et de 37 % de progression vers l’IRC terminale⁴³.

  • De l’IRC vers l’accumulation d’oxalate. À mesure que le débit de filtration glomérulaire (DFG) diminue, la capacité d’élimination rénale se réduit, entraînant une élévation progressive de l’oxalate plasmatique. Cette accumulation peut entraîner des dépôts extra-rénaux (oxalose systémique) et contribuer à des complications cardiovasculaires⁴⁴.

Néphropathie oxalique aiguë

Ce syndrome rare mais documenté d’insuffisance rénale aiguë est provoqué par une obstruction massive des tubules rénaux par des cristaux d’oxalate de calcium.

Une étude souvent mentionnée relate le cas d’un patient consommant environ 473 mL de jus d’épinards crus par jour pendant 6 semaines et ayant développé une insuffisance rénale aiguë⁴⁶. La biopsie rénale a en effet révélé des dépôts massifs de cristaux obstruant les tubules. Une récupération a été observée après l’arrêt de la consommation de jus et une hyperhydratation intensive. D’autres cas similaires ont été documentés, notamment lors d’interactions médicamenteuses (comme en cas de prise d’orlistat) ou en présence d’une déshydratation concomitante.

Ces cas concernent toutefois des consommations extrêmes et prolongées, souvent dans un contexte de déséquilibres multiples. Attention donc aux extrapolations.

Oxalose systémique : des situations pathologiques exceptionnelles

En cas d’hyperoxalurie primaire non traitée ou d’insuffisance rénale terminale, l’oxalate peut se déposer dans de multiples organes autres que les reins³⁹,⁴⁰ : le cœur (cardiomyopathie, troubles du rythme), les vaisseaux (calcifications), les os et articulations (ostéodystrophie, fractures pathologiques, arthropathie), la rétine (dépôts cristallins) et le système nerveux (neuropathies).

Cette complication grave, potentiellement létale, requiert une prise en charge médicale spécialisée. Elle ne survient toutefois que dans des contextes pathologiques extrêmes et n’affecte pas la majorité de la population, ni les personnes présentant de simples calculs de faible gravité.

2. Autres symptômes potentiels

Pour certains auteurs, et c’est en grande partie l’objet de la polémique actuelle, il existerait une myriade d’effets des oxalates sur la santé, dont voici les principaux.

Risques cardiovasculaires

Chez les patients en insuffisance rénale terminale sous dialyse, des études observationnelles ont identifié une corrélation entre un oxalate plasmatique élevé et un risque cardiovasculaire accru⁴⁴. Pour autant, établir une relation de causalité reste prématuré. Les patients en IRC terminale présentent en effet de multiples anomalies concomitantes. Isoler l’effet spécifique de l’oxalate est donc complexe. Une causalité inverse serait d’ailleurs envisageable, à savoir que l’hyperoxalémie pourrait constituer un marqueur de sévérité plutôt qu’une cause directe.

Douleurs ostéo-articulaires

Des dépôts de cristaux d’oxalate de calcium dans les articulations et les os peuvent survenir dans l’hyperoxalurie primaire sévère ou l’insuffisance rénale terminale avec hyperoxalémie majeure prolongée³⁹,⁴⁰. Les manifestations possibles incluent les douleurs articulaires, une fragilisation osseuse, voire des fractures pathologiques.

Ces manifestations sont toutefois observées uniquement dans des contextes pathologiques spécifiques. 

Symptômes fonctionnels non spécifiques

  • Fatigue chronique diffuse.
  • « Brouillard mental » (brain fog) : troubles de concentration, de mémoire.
  • Douleurs musculaires et tendineuses diffuses sans dépôts cristallins constatés.
  • Ballonnements, inconfort abdominal.
  • Sensibilité cutanée, éruptions, démangeaisons.
  • Troubles du sommeil.
  • Symptômes pseudo-grippaux persistants.

Il n’existe actuellement pas d’études de qualité établissant un lien causal direct entre la consommation « normale » d’oxalates et ces symptômes chez des personnes sans hyperoxalurie primaire ou insuffisance rénale sévère. 

Certains praticiens rapportent toutefois des améliorations cliniques chez leurs patients suivant un régime pauvre en oxalates. Ces observations, bien que ne constituant pas une preuve scientifique en soi, méritent certes d’être considérées et pourraient justifier des recherches cliniques rigoureuses. N’oublions toutefois pas qu’il existe de très nombreuses raisons pouvant expliquer une telle situation, sans lien direct avec le sujet des oxalates : ces dernières nécessitent donc d’être explorées par un professionnel de santé formé avant d’incriminer automatiquement les oxalates.

Deux principaux mécanismes pourraient expliquer les troubles fonctionnels incriminés aux oxalates

Inflammation chronique de bas-grade

Les cristaux d’oxalate de calcium activent l’inflammasome NLRP3, un complexe jouant un rôle central dans l’immunité innée et l’inflammation. Cette activation a été démontrée dans des études in vitro et chez l’animal⁴⁷,⁴⁸,⁴⁹.

Ces études ont mis en évidence que l’exposition de cellules rénales et de macrophages à des cristaux d’oxalate de calcium provoque leur phagocytose, suivie de l’activation de l’inflammasome NLRP3. Cette activation déclenche la libération de cytokines pro-inflammatoires (IL-1β, IL-18, TNF-α, IL-6) et induit une mort cellulaire inflammatoire. Les macrophages adoptent un phénotype M1 pro-inflammatoire persistant même après le retrait des cristaux, suggérant une forme de « mémoire inflammatoire ». Chez la souris, l’hyperoxalurie expérimentale induit une infiltration de macrophages dans le parenchyme rénal, une fibrose interstitielle progressive, une inflammation systémique détectable, et des atteintes cardiovasculaires.

Si les cristaux d’oxalate activent l’inflammasome NLRP3 de manière chronique et discrète chez certaines personnes consommant des quantités élevées d’oxalates, une inflammation systémique subclinique peut, en théorie, se développer. L’inflammation chronique de bas grade est en effet désormais bien documentée dans d’autres contextes et est associée à de la fatigue, des troubles cognitifs subtils, et des douleurs chroniques.

À ce jour, il manque toutefois d’essais cliniques chez l’humain démontrant qu’une consommation normale d’oxalates alimentaires induirait une inflammation systémique mesurable (élévation de CRPus, IL-6, TNF-α) chez des personnes sans hyperoxalurie primaire ou insuffisance rénale sévère. Cette absence de données ne prouve certes pas l’absence d’effet, mais elle souligne malgré tout que cette hypothèse biologiquement plausible nécessite une validation clinique.

Hyperperméabilité intestinale

Des études in vitro suggèrent que les oxalates pourraient altérer les jonctions serrées de l’épithélium intestinal¹¹. Une hyperperméabilité intestinale favorise le passage inapproprié de macromolécules et de lipopolysaccharides bactériens (LPS), provoquant une activation immunitaire systémique chronique. Les données disponibles demeurent toutefois pour l’instant limitées à des études in vitro ou précliniques. Une causalité inversée pourrait d’ailleurs être plus probable, à savoir qu’une hyperperméabilité intestinale préexistante favoriserait une absorption augmentée d’oxalates.

Une fois qu’ils ont passé la barrière intestinale, les oxalates ne vont pas induire chez tout le monde les effets mentionnés précédemment, et heureusement ! Il existe en effet de nombreux facteurs expliquant cette variabilité importante.

📊 Comment doser les taux d'oxalates ?

Le dosage des taux d’oxalates dans les urines sur 24 heures est le dosage de référence à réaliser en cas de doute⁵³.

Normes :

  • Normal : <40-45 mg/24h.
  • Hyperoxalurie légère à modérée : 40-60 mg/24h.
  • Hyperoxalurie significative : 60-100 mg/24h (investigation de l’origine suggérée).
  • Hyperoxalurie sévère : >100 mg/24h (envisager une hyperoxalurie primaire, une malabsorption sévère ou une alimentation inadaptée selon les critères évoqués).

D’autres dosages peuvent être réalisés en complément comme les taux de citrate et de calcium dans les urines de 24h, le volume urinaire total, le pH urinaire, le taux plasmatique d’acide urique, de phosphore, de sodium, de potassium, la créatinine, le magnésium érythrocytaire.

3. La synthèse d'oxalates par l'organisme est très variable selon les individus

C’est un point essentiel à retenir, les risques de cristallisation d’oxalates dépend de deux sources dont l’importance relative varie considérablement selon les individus¹,¹⁴,¹⁵ :

  • Les apports alimentaires (exogènes) : ils peuvent représenter de 20 à 80 % de la charge totale selon l’alimentation et la nature du microbiote intestinal.
  • La production métabolique (endogène) : elle peut représenter de 20 à 80 %, principalement hépatique.

Le foie constitue le site majeur de biosynthèse de l’oxalate¹,¹⁴. Elle résulte du métabolisme de plusieurs précurseurs¹⁴,¹⁵,¹⁶ :

  • Glyoxylate : il représente le précurseur majeur de l’oxalate endogène¹⁵,¹⁶. Les sources de glyoxylate incluent la phénylalanine, la glycine, l’hydroxyproline, le tryptophane, les pentoses, le glucose et fructose, l’éthanolamine.
  • Glycolate : il est significativement plus présent dans les tissus végétaux que dans les tissus animaux, expliquant partiellement pourquoi les régimes riches en végétaux peuvent augmenter la production endogène d’oxalate¹⁷.
  • Vitamine C : nous y reviendrons ultérieurement.

Cette production endogène substantielle explique pourquoi une restriction alimentaire seule peut s’avérer insuffisante chez certaines personnes, particulièrement si la production hépatique est élevée pour des raisons génétiques ou métaboliques.

En moyenne, on observe une répartition approximative autour de 40-60 % pour chaque source, mais cette généralisation masque une variabilité interindividuelle majeure, notamment en fonction des facteurs suivants :

  • Consommation d’aliments très riches en oxalates et niveau d’absorption intestinale.
  • Polymorphismes génétiques.
  • Niveau d’hydratation.
  • Niveau de consommation de citrates et balance acido-basique.
  • Apports en calcium.
  • Supplémentation en vitamine C.
  • État de santé hépatique, intestinal et rénale.
  • Dysbiose intestinale et antibiotiques

Des effets variables d’origine génétique

  • Hyperoxaluries primaires : des maladies génétiques rares mais graves³⁹,⁴⁰

Les hyperoxaluries primaires représentent des maladies héréditaires caractérisées par une production hépatique massive d’oxalate du fait de déficits enzymatiques spécifiques. Leur incidence est estimée à 1 à 3 cas pour 1 million de naissances, soit des affections extrêmement rares.

Le type 1 (HP1) représente environ 80 % des cas (déficit en alanine-glyoxylate aminotransférase ou AGT) et constitue la forme la plus sévère. Les types 2 (HP2) et 3 (HP3) sont généralement considérés comme moins sévères.

  • Polymorphismes génétiques plus fréquents⁴¹

Au-delà de ces maladies rares, des variations génétiques plus fréquentes, ayant des effets plus modestes, influencent le métabolisme des oxalates. Ces variations pourraient expliquer pourquoi, à apports alimentaires équivalents, certaines personnes développent plus facilement des calculs.

Plusieurs gènes sont impliqués, incluant SLC26A6 (transporteur anion-chlore), SLC13A2 (transporteur du citrate rénal), ainsi que des gènes liés aux inflammasomes, aux cytokines, au métabolisme de la vitamine D et du calcium.

Une hydratation optimale = la priorité

La déshydratation chronique apparaît comme l’un des facteurs de risque les plus significatifs, les plus fréquents et parmi les plus facilement modifiables, son impact semblant surpasser celui des restrictions alimentaires isolées¹⁸,²¹.

Un apport hydrique insuffisant entraîne en effet une concentration accrue des substances dissoutes dans l’urine (calcium, oxalates, acide urique, phosphates). Cette concentration augmente la sursaturation urinaire, favorisant la formation de cristaux. À l’inverse, une urine diluée maintient davantage ces substances en solution et peut donc ralentir ces processus.

Selon un essai randomisé contrôlé, après 5 ans de suivi de personnes souffrant de calculs rénaux, le groupe « hydratation intensive » (> 2 L urines/24h) a présenté une réduction d’environ 55 % du taux de récidive des calculs (12 % vs 27 % dans le groupe contrôle)²¹.

Le pH urinaire et les apports en citrate

Le citrate urinaire représente l’un des inhibiteurs naturels importants de la cristallisation d’oxalate de calcium²⁵. Il peut en effet protéger de la formation de calculs par quatre mécanismes complémentaires :

  • En formant des complexes solubles avec le calcium libre (réduisant le Ca²⁺ disponible pour cristalliser).
  • En se liant à la surface des germes cristallins naissants (inhibition de la nucléation).
  • En bloquant les sites de croissance des cristaux existants (maintien de petite taille).
  • En empêchant les cristaux individuels de s’agglutiner (prévention d’agrégats).

Une hypocitraturie (<150-200 mg/24h) est d’ailleurs observée chez 20 à 60 % des personnes formant des calculs. Il est donc particulièrement intéressant de favoriser les aliments riches en citrate de potassium, à savoir surtout les légumes, mais également les fruits (y compris acides au goût) et les tubercules comme les pommes de terre ou les patates douces (bien que sources d’oxalates).

Note : Malgré son acidité initiale (pH ~2-3 dans le jus de citron), l’acide citrique a un effet alcalinisant net sur l’organisme²⁴,²⁶,²⁷. L’acide citrique est absorbé dans l’intestin, métabolisé dans le cycle de Krebs, et cette métabolisation produit des bicarbonates (HCO₃⁻) aux effets alcalinisants.

À l’inverse, il est important de limiter la consommation de sel (chlorure de sodium), les ions chlorure favorisant le déséquilibre de la balance acido-basique : au-delà de la salière, environ 75 % du sel consommé par les français est actuellement apporté par les fromages, les charcuteries, le pain et les aliments ultra-transformés.

Un apport complémentaire sous la forme de suppléments de citrate de potassium peut être envisagé selon les situations individuelles, à répartir en plusieurs prises au cours de la journée. Il peut d’ailleurs parfois être prescrit, sauf en cas d’insuffisance rénale sévère ou de recours à des médicaments épargneurs de potassium²⁶,²⁷.

🧪 Le pH urinaire influence la solubilité des différents types de cristaux¹⁸,²⁴

pH <6,0 (acide) :

  • Cristallisation accrue d’oxalate de calcium et d’acide urique.
  • Diminution de la solubilité du citrate protecteur.
  • Risque lithiasique potentiellement augmenté.

pH 6,5-7,0 (zone optimale) :

  • Solubilité optimale pour l’oxalate de calcium.
  • Prévention optimale des calculs d’oxalate de calcium.
  • Citrate maintenu en solution (effet protecteur maximal).

pH >7,5 (alcalin) :

  • Risque de calculs de phosphate de calcium augmenté.
  • Une alcalinisation excessive est donc contre-productive.

Apports en calcium

Pendant des années, il a été recommandé de restreindre le calcium car les calculs sont composés d’oxalate de calcium. Cette approche a été largement diffusée jusqu’aux années 1990, avant que de nouvelles données ne suggèrent qu’elle pourrait s’avérer non seulement inefficace, mais potentiellement contre-productive.

Un apport calcique alimentaire faible semble en effet associé à un risque accru de calculs²²,²³. Lorsque du calcium est consommé simultanément avec un aliment riche en oxalates, les ions calcium et oxalate se rencontrent dans la lumière intestinale avant que l’absorption puisse se produire. Cette liaison provoque la formation de l’oxalate de calcium insoluble, qui précipite. À l’inverse, en l’absence de calcium lors d’un repas contenant des oxalates, ceux-ci demeurent sous formes solubles disponibles pour une absorption passive. Les oxalates absorbées augmentent la concentration urinaire, favorisant ainsi la cristallisation.

Nuance sur la supplémentation en calcium : Les données suggèrent que le calcium alimentaire exercerait un effet protecteur sur la formation de calculs, tandis que les suppléments pris en dehors des repas n’auraient pas démontré le même bénéfice. Un supplément pris à jeun ne pourrait pas chélater les oxalates consommés des heures plus tard. Ainsi, si une supplémentation s’avère nécessaire, elle est à envisager pendant les repas, en doses fractionnées, avec une préférence pour le citrate de calcium.

La vitamine C

La vitamine C peut être partiellement métabolisée en oxalate au niveau hépatique, ce qui soulève des questions légitimes quant à son rôle potentiel dans la formation de calculs.

Une étude portant sur 9 sujets recevant 1 000 mg de vitamine C par jour a observé une augmentation de l’oxalurie de 20 à 50 %²⁸. Toutefois, l’échantillon très réduit, la durée courte et l’absence de mesure de l’incidence clinique des calculs limitent la portée de ces résultats.

Une autre étude, prospective, portant sur 197 271 participants avec un suivi moyen de 11 ans, a évalué l’incidence clinique de calculs rénaux²⁹. Chez les hommes, une supplémentation en vitamine C (>500 mg/jour) a augmenté le risque relatif de 1,41 ; aucune association significative n’a été détectée chez les femmes (cette différence entre sexes n’a pas été expliquée).

La consommation de 1 000 mg de vitamine C par jour pendant 3 jours a entraîné une augmentation modeste de l’oxalurie. Pour autant, aucune cristallisation n’a été détectée lorsqu’une hydratation adéquate était maintenue, suggérant que l’hydratation pourrait compenser l’effet modeste de la vitamine C³⁰.

Concernant la vitamine C d’origine alimentaire, aucune association avec le risque de calculs n’a été détectée, ni chez les hommes, ni chez les femmes, y compris à la suite d’apports élevés (>250 mg/jour d’origine alimentaire).

En synthèse : Pour les hommes ayant des antécédents de calculs, le principe de précaution peut amener à bien évaluer les bénéfices à consommer plus de 1 000 mg/jour et à privilégier les sources alimentaires. Pour les femmes, les données actuelles sont rassurantes concernant les apports alimentaires et les supplémentations modérées.

Pathologies digestives et hyperoxalurie entérique

Certaines pathologies digestives créent des conditions favorisant une absorption accrue d’oxalates, ce que l’on nomme une hyperoxalurie entérique¹⁴,³¹,⁵⁷.

  • Maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI)

Le mécanisme proposé repose sur le fait que l’inflammation ou les résections chirurgicales (particulièrement au niveau de l’iléon) génèrent une malabsorption des graisses. Les acides gras non absorbés forment alors des « savons » avec le calcium présent dans la lumière intestinale, rendant ce dernier indisponible pour chélater les oxalates. Ces oxalates, restant sous forme soluble, peuvent alors être absorbés au niveau du côlon.

Les patients atteints de maladie de Crohn avec résection iléale présentent une absorption d’oxalate significativement augmentée par rapport aux témoins sains, en raison de la malabsorption des graisses qui rend le calcium indisponible pour chélater les oxalates³¹,⁵⁷.

Environ 10 à 25 % des patients atteints de MICI développeraient des calculs, comparativement à 7-13 % dans la population générale.

  • Chirurgies bariatriques

Jusqu’à 50 % des patients ayant subi un bypass gastrique développeraient une hyperoxalurie, et 7 à 11 % formeraient des calculs symptomatiques³¹. Les mécanismes proposés incluent :

  • La malabsorption des graisses (mécanisme similaire aux MICI).
  • Des modifications importantes du microbiote.
  • Une déshydratation relative post-chirurgicale.
  • Des carences minérales potentielles (calcium, magnésium).

Dysbiose intestinale et antibiotiques : le rôle du microbiote

Une dysbiose intestinale et l’absence de certaines bactéries intestinales capables de dégrader les oxalates, particulièrement Oxalobacter formigenes, pourraient constituer un facteur de risque³³,³⁴,³⁵.

Oxalobacter formigenes : une bactérie spécialisée

Cette bactérie anaérobie stricte, découverte en 1985, présente la particularité d’utiliser l’oxalate comme unique source d’énergie³³. Ses mécanismes d’action sont doubles :

  • Elle dégrade par son activité enzymatique les oxalates³³.
  • Elle stimule la sécrétion colique d’oxalates, favorisant ainsi leur élimination³⁴.

Une étude a mis en évidence que l’absence d’O. formigenes était associée à une augmentation d’environ 70 % du risque de calculs récurrents³⁵. Cependant, il est important de noter que 62 à 69 % des personnes ne possédant pas cette bactérie ne développent pas de calculs, suggérant que l’absence de cette bactérie constituerait un facteur contribuant modestement au risque, plutôt qu’une cause importante et isolée.

Une disparition préoccupante dans les pays occidentaux

Les études révèlent une forte disparité géographique dans la prévalence de cette bactérie³²,³³,³⁵ :

  • États-Unis et Europe : présente chez 31 à 38 % seulement des personnes.
  • Inde : présente chez 60 à 77 % de la population.
  • Populations rurales traditionnelles : présence quasi-systématique.

La cause serait à rechercher du côté de l’usage extensif d’antibiotiques dans les pays occidentaux. Les fluoroquinolones, les macrolides et la trithérapie d’éradication d’H. pylori figurent parmi les antibiotiques les plus associés à l’éradication d’O. formigenes.

🔬 Candida et Aspergillus sont-ils responsables ?

Il est souvent évoqué que les candidoses intestinales à Candida albicans pourraient favoriser l’accumulation d’oxalates. Les données scientifiques actuelles ne supportent toutefois pas l’hypothèse selon laquelle Candida albicans produirait des quantités significatives d’oxalate ou qu’une candidose intestinale favoriserait l’hyperoxalurie. 

Quelques publications historiques mettent bien en évidence que certaines espèces d’Aspergillus (particulièrement A. niger) produisent de l’acide oxalique comme sous-produit de fermentation³⁶. Des cas cliniques de néphropathie oxalique secondaire à une aspergillose pulmonaire ont d’ailleurs été documentés. Cependant, ces situations concernent des infections fongiques invasives sévères chez des patients immunodéprimés.

Les probiotiques sont-ils la solution ?

Si vous souhaitez connaître votre situation personnelle, il est désormais possible de réaliser des analyses pour identifier la présence ou non de cette bactérie via des laboratoires spécialisés. Vous ne disposerez pas pour autant de solutions spécifiques validées.

Les tentatives de restauration de cette bactérie ont en effet donné des résultats plutôt décevants à ce jour. L’administration directe d’O. formigenes chez des patients souffrant d’hyperoxalurie primaire n’a montré aucun effet significatif sur l’oxalurie, la colonisation apparaissant instable et transitoire³⁷.

Concernant les probiotiques plus classiques (Lactobacillus, Bifidobacterium), bien qu’ils possèdent une activité dégradant modestement les oxalates in vitro³⁸, les essais cliniques n’ont pas montré de preuve solide de bénéfice sur le métabolisme des oxalates. Leur efficacité serait limitée par le fait qu’ils agissent principalement dans le côlon, alors que l’absorption des oxalates se produirait majoritairement dans l’intestin grêle.

Comme dans de nombreuses situations de troubles fonctionnels et maladies de civilisation, adopter une alimentation et un mode de vie visant à prendre soin de votre microbiote et de votre muqueuse intestinale est donc un élément-clé.

Je vous propose d’aborder les solutions pour réduire les effets des oxalates dans un prochain article.

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